Ci-dessous Michel Temer il y a un peu plus d’un an. Content.
Il était alors vice président, sur le point de devenir Président. La Présidente Dilma Rousseff allait être destituée pour « mauvaise gestion ».
Ci-dessous, Michel Temer aujourd’hui. Inquiet.

Il est Président et sur le point d’être jugé pour corruption passive*.
C’est Rodrigo Janot, le procureur général de la République qui l’accuse, et accuser un Président en exercice pour un crime commis pendant son exercice, c’est pas de la gnognotte. La constitution avait quand même prévu le coup et tout un processus est organisé pour un tel cas. Donc, le procureur a présenté l’accusation au juge responsable de telles affaires au tribunal suprême. Ce dernier a jugé la plainte valide et suffisamment argumentée et l’a refilée au Président du parlement. Maintenant ce sont les 513 députés qui doivent s’exprimer. Si la majorité des deux tiers d’entre eux (342) votent pour la mise en examen, Michel Temer sera jugé par le Tribunal Suprême et écarté du pouvoir le temps du procès (180 jours). Rodrigo Maia, Président du Parlement, prendra le relais jusqu’à l’organisation de l’élection indirecte qui désignera celui ou celle qui ira jusqu’au bout du mandat. Les élections présidentielles, directes, sont prévues en octobre 2018.
Le Brésil pourrait donc connaître 4 présidents en deux ans :
Dilma Rousseff (virée en avril 2016 par impeachment),
Michel Temer (viré pour corruption, peut-être en juillet 2017),
Rodrigo Maia (viré parce qu’il ne sera pas élu par la chambre parce que d’ici là il sera sans doute en prison vu le nombre de procès dans lesquels il est impliqué, peut être en janvier 2018)
Monsieur ou madame X, élu(e) par les membres du parlement pour aller jusqu’au bout du mandat et viré(e) naturellement même s’il (elle) n’est coupable de rien (permettons-nous d’en douter).
Ça ce sont les faits, bruts.
Mais toi, ce qui t’intéresse, avoue le, ce sont les dessous croustillants de l’histoire expliqués par ceux qui savent et voilà ce qu’ils m’ont raconté :
Rappel : En 2014, un petit groupe d’irréductibles incorruptibles mené par le juge Sergio Moro, spécialiste du blanchiment d’argent et Rodrigo Janot, Procureur de la République, lance l’opération LAVA JATO (lavage express – du nom des stations de lavage de voitures) avec un concept super efficace: la délation. Au fil des arrestations ils découvrent la plus grande opération de détournement de fonds publics depuis que le monde est monde. Tous les partis politiques et toutes les méga entreprises brésiliennes sont impliqués de près ou de loin. Y’en a pas un pour sauver l’autre.
Le gros poisson, pense-t-on, c’est l’ex-Président Lula da Silva impliqué dans plusieurs cas de trafic d’influence, d’enrichissement suspect, de blanchiment, de corruption, etc, etc. et surtout à la tête du pays pendant que tout le monde s’en mettait plein les poches.
Le mois dernier la justice commence à serrer Lula d’un peu trop près. (j’en ai parlé dans le dernier article). Concomitamment, et comme par hasard, Joesley Batista, dirigeant du plus gros conglomérat agro-alimentaire brésilien, appelle le Procureur Janot pour livrer un enregistrement dans lequel on entend distinctement Temer essayer de corrompre. Pour la petite histoire, Joesley Batista et son frère Wesley sont super potes avec Lula et ont transformé la simple boucherie paternelle en géant mondial de l’agro alimentaire pendant les mandats de Lula. De là à dire qu’ils doivent leur immense fortune à leur amitié avec Lula, il n’y a qu’un pas.
Lula aurait donc pu passer un coup de fil à son pote Joesley et lui dire, imaginons : « coco, balance la merde dans le ventilo ».
Mais pourquoi balancer Temer ?
Dans le fond, j’imagine que Lula se fout pas mal que Temer reste au pouvoir. Il fait plutôt un bon boulot de sabotage de l’opération Lava Jato. Dès qu’il a l’occasion d’affaiblir les incorruptibles il saute dessus. Je laisse les détails en bas de page pour ceux qui veulent passer en niveau 2. En plus Temer prend des décisions politiques et économiques hautement impopulaires mais pas forcément débiles pour sortir le pays de la crise économique.
Alors pourquoi ?
Jeter Temer en pâture permet à Lula, d’abord de se venger de la trahison de l’impeachment de Dilma, mais surtout de se débarrasser de l’attention des médias et de la rue pour préparer son come back peinard. Parce qu’il va se présenter aux Élections, n’en doute pas. Un institut de sondage annonçait en début de semaine que l’ex-président bénéficie de 30% d’intentions de vote. S’il est élu, Lula dirigera un pays sorti péniblement de la crise économique, grâce à des mesures impopulaires, bénéficiera de l’immunité présidentielle et pourra finir tranquillement de démanteler l’opération Lava Jato.
Alors ? C’est qui le Patron ?
Lula da Silva, Ex Président
ps : Toi aussi tu te demandes pourquoi les brésiliens ne sont pas tous dans la rue en train de brûler des pneus ? Et bien parce qu’ils sont complètement désabusés et préfèrent continuer à vivre leur vie en regardant la télénovéla plutôt que de mourir de honte en apprenant chaque jour les nouveaux méfaits « sem vergonha » de leurs dirigeants.
Niveau 2:
En janvier dernier, le juge du Tribunal Suprême responsable des questions liées à l’opération Lava Jato, Teori Zavascki est mort accidentellement dans le crash de son avion. Il avait la réputation d’être sévère avec les corrompus. Temer, qui nomme les juges, a profité de l’occasion pour nommer un pote plus conciliant à sa place.
Rodrigo Janot, Procureur de la République, responsable de la mise en examen de Temer pour corruption passive est sur le point de finir son deuxième mandat, il ne peut pas se représenter. La procédure prévoit que les procureurs votent et présentent les trois premiers au Président de la République pour qu’il choisisse le prochain Procureur Général de la République. Bon. Les procureurs ont voté massivement pour un procureur à la réputation irréprochable et connu pour ses positions anti corruption radicales. Depuis que la république brésilienne existe, le Président confirme le choix du ministère de la justice, mais là non, manifestement, ça n’arrangeait pas Temer. Il a choisi celle qui est arrivée numéro deux dans les votes. On ne connaît pas vraiment ses positions, ni ses amitiés. Attendons de voir.
Pour finir, grâce à des manœuvres politiques plus ou moins subtiles, Le juge Moro va être destitué d’une grosse partie des dossiers du lava Jato. Jusqu’à présent, tous les dossiers concernant l’affaire échouaient sur son bureau, quelle que soit leur origine géographique. D’ici peu, il ne pourra se saisir que des dossiers relevant de sa juridiction (le sud du brésil). Les autres dossiers incomberont aux juges compétents géographiquement. Peut on leur faire confiance ?
* La corruption passive concerne celui qui se laisse corrompre, contrairement à la corruption active qui concerne celui qui essaye de corrompre. Rodrigo Janot, le Procureur, accuse le Président d’avoir accepté de la part de Joesley Batista un pot de vin de 500 000 Reais (à peu pres 140 000 euros). L’histoire ne dit pas ce que Joesley voulait acheter avec ce pognon. Si tu suis bien, Joesley devrait donc lui être accusé de corruption active, sauf qu’il vit aux Etats Unis et a super bien négocié sa remise de peine en échange des enregistrements compromettant Temer.