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Life Aquatic

Je vis dans un aquarium. Aucune métaphore, je suis entourée de poissons. Des requins sur les branches du sapin, des kilomètres du mot poisson calligraphié en attaché,  des sirènes dans la baignoire, des thons dans mon lit (là encore aucune métaphore, je viens de lire et d’aimer « requiem pour un thon » de Romain Chabrol), le tout orchestré par des les ‘tadam’ lancinants de la BO des dents de la mer version funky lalo shifrin (ça fait moins peur).

Entre deux ‘tadam’, alors que je gambade d’un pas aquatique entre les morues, je tombe sur le reflet argenté d’un squale enfermé. Il est là, à peine dissimulé derrière un rideau de perles, il regarde les passants, impassible. Lui, un vestige de la préhistoire à présent fossilisé sous les doigts de l’artiste.

Mauro Corda, sculpteur monumental, nous renvoie l’image du monde et ses contorsions les plus sombres.

Dans son univers, les poissons volent et les humains se plient. Tous ont le regard noir. Noir abyssal des corps déformés, noir condamné du noyé, noir prisonnier de l’enfant enfermé dans un monde qui ne lui appartient plus, noir déshumanisé de celui qui porte  sur ses épaules toute la souffrance du monde.

C’est par les profondeurs orbitales que la vie s’échappe des corps en mouvement. Les êtres sont fantomatiques, automates dans un monde vide de sens. Le vide nous emplit.  La souffrance est palpable et le réalisme angoissant.

« L’ATMOSPHÈRE que nous propose Mauro Corda est irrespirable; l’humain semble vivre un péril ou s’en protéger. La beauté des volumes, la pureté du visage et sa brillance ajoutent au malaise» écrit Thierry Delcourt dans le portrait qu’il peint de l’artiste – et pourtant notre regard caresse, nos mains se tendent pour essayer de palper la prouesse technique qui défie la gravité. On veut toucher tout en frissonnant à l’idée de sentir le sang froid du métal, sa morsure.

Le squale n’est pas seul dans son aquarium métallique. Une raie, un saint pierre, un barracuda lui renvoient des bulles et peuplent le temps d’une exposition les océans de murs de l’Opéra Gallery.

Mauro Corda est né en France en 1960, il vit et travaille à Paris. http://www.mauro-corda.com

Jusqu’au 20 décembre.

OPERA GALLERY PARIS
356, rue Saint-Honoré75001 PARIS – FRANCE
Tel (33-1) 42 96 39 00
Fax.(33-1) 42 96 39 02
Email : paris@operagallery.com

 

Qui a tué Laura Palmer ?

Il y en a que le crépuscule angoisse, d’autres qu’il fascine. Gregory Crewdson fait partie des fans inconditionnels du ciel qui s’obscurcit, des lampadaires qui s’allument, des maisons qui s’éclairent et des paysages qui se transforment; c’est lui qui le dit  ‘j’ai toujours été fasciné par le crépuscule. Par son pouvoir de transformer l’ordinaire en quelque chose de magique’.

Gregory Crewdson est photographe et New Yorkais, mais contrairement à beaucoup de ses concitoyens qui vouent leur œuvre à leur ville, lui, s’intéresse à l’Amérique rurale, sombre, étrange, mélancolique; au coté obscur du rêve américain, aux maisons recouvertes de tapis ovales.

Les mises en scène de ses photos sont minutieuses, l’éclairage souvent artificiel, les sujets translucides et leurs poses dramatiques. Chaque prise de vue suppose un budget pharaonique et le travail acharné d’une armée de décorateurs, stylistes, maquilleurs, éclairagistes, etc.

En regardant ses photos, toujours en grand format (145 x 223 cm), on a froid dans le dos et surtout on a l’impression d’avoir raté un truc, loupé le début du film. Au milieu du carrefour enneigé et faiblement éclairé, une voiture arrêtée, portière conducteur ouverte, conducteur envolé et passager abandonné. Chambre de motel, un nouveau né dort sur le lit, une femme a le regard dans le vague, perdue dans ses pensées. Les photos de Gregory Crewdson ne sont que des questions sans réponse, des lieux où se perdre, rêver, imaginer. Chaque détail demande une attention particulière. Ici, un flacon de pilules renversé, là, des doigts entrelacés.

L’Amérique du nord, froide, isolée, angoissante me renvoie à Twin Peaks. Je crois même entendre la musique lancinante d’Angelo Badalementi.  Lequel des personnages que l’on aperçoit sur les photos a-t-il tué Laura Palmer ? Gregory Crewdson ne renie pas être largement influencé par le travail de David Lynch, mais aussi par celui d’ Edward Hopper pour la peinture ; Jeff Wall pour la photographie et la tradition documentaire américaine ; Stephen King pour la littérature ; Steven Spielberg, Wes Anderson et les films d’épouvante et de science-fiction pour le cinéma.

Alors que la chaleur m’accable en ces jours d’octobre tropical, que les moustiques me dévorent, que les corbeaux me rendent dingue, j’ai enfilé mes moufles et  respiré un grand coup de froid américain dans une immense galerie aux murs immaculés et à la clim réfrigérante.

Coures y, évade toi et demande toi si le vieux devant la télé est réellement captivé par ce qu’il regarde, ou fait juste semblant pour que Mamie, derrière dans la cuisine,  fasse la vaisselle. Remarque à ses pieds, le tapis ovale traditionnel américain tressé à cinq lanières.

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Untitled ‘Beneath the Roses’ 2004

Untitled 'beneath the roses' Gregory Crewdson

Untitled ‘Beneath the Roses’ 2007

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Untitled ‘Beneath the Roses’ 2007

Gregory Crewdson expose ses photos pour la première fois en Inde. La série Beneath the Roses ornera les murs de la galerie Sakshi jusqu’au 7 novembre.

Né en 1962 à New York, il est diplômé de la State University of New York, et de Yale. Son travail s’expose dans le monde entier et certaines de ses photos font partie de collections telles que celles du Museum of Modern Art, du Metropolitan Museum of Art, du Whitney Museum of American Art, du Brooklyn Museum, du Los Angeles County Museum et du San Francisco Museum of Modern Art. Il enseigne désormais la photographie à Yale et vit et travaille à New York.

Sakshi Gallery -Synergy Art Foundation ltd.

Ground floor,Tanna house, 11-a, nathalal parekh marg, Colaba, tel: +91 (0)22 6610 3424

http://www.sakshigallery.com

Les photos de la série sont réunies dans le livre « Beneath the Roses », préfacé par Russel Banks, publié en mars 2008 par

Harry N Abrams Inc. ISBN 0810993805 ou ISBN 9780810993808.

gregory crewdson book

Mélange

Quel est le rapport entre James Bond, Dirty Harry, des photos de Gandhi prises par Henri Cartier Bresson, des casques de guerriers japonais du 17ème siècle, des tigres, des gorilles géants, des étudiants, un vieil homme en blanc, une jeune fille en sari avec tous ses bijoux aux poignets et sa belle famille sur les talons, une grande blonde, des touristes japonais et une jet setteuse bombayite sac Vuitton au bras et lunettes Dior sur la tête ? 

Tout ce petit monde s’est retrouvé sur ou devant les murs de la Jehangir Gallery pendant les 7 jours qu’a durée l’expo Jashn – Osianama organisée par Osian’s. Hier était le dernier jour. T’es hyper vert(e), tu savais pas et du coup t’as pas pu y aller. J’y peux rien, moi, si les expos à la Jehangir durent le temps d’un pet de vache et que les conditions climatiques et circulatoires de la ville que nous aimons tant m’empêchent de me déplacer à la vitesse de l’éclair pour relater à temps toutes les choses fantastiques que je vois.

Mais pas de panique, tu pourras y aller l’année prochaine.

Jashn – Osianama est, ou plutôt était, la première édition d’un festival d’arts visuels qui aura lieu tous les ans à Bombay et à Delhi. C’est aussi la première tentative privée (de toutes façons il n’y en a pas de publiques, ils sont trop occupés à creuser des trous) pour approcher le meilleur de l’art, du cinéma et de la culture Indienne, Asiatique et Internationale au grand public indien. Ambitieux, n’est ce pas ?

Ambitieux et réussi. Alors que je faisais semblant d’observer d’un œil attentif et expert les œuvres exposées, je jetais des regards furtifs et latéraux pour apercevoir une foule « inhabituée » des vernissages hype ou des expos élitistes. Indiens, ou pas, riches, pauvres, grands, petits, jeunes, vieux, on s’est tous marré devant le casque japonais en forme de homard géant, on a été horrifiés par des photos de la famine au Bengale de 1943, on s’est senti menacés par les bouddhas furieux, séduits par les yeux plissés de Clint Eastwood, intéressés par les dernières photos de Gandhiji (1948) et carrément écroulés devant l’affiche du chef d’œuvre du cinéma de science fiction américain : First Men in the Moon (1964).

Le thème de l’expo était ‘500 ans de violence et de non violence’. Maintenant tu vois le rapport et tu applaudis l’initiative.

Osian’s est une institution culturelle privée créée en 2000, dont l’objectif est de combler l’absence totale de vitrines d’exposition de la richesse et de l’immensité de l’art Indien. Osian’s regroupe une maison de ventes aux enchères, et deux fonds d’investissement exclusivement dédiés aux arts visuels (peinture, sculpture, photo et cinéma). L’institution est aussi propriétaire d’une des plus grandes collections d’art asiatique qu’elle mettra à disposition du public très bientôt en inaugurant le premier musée / centre documentaire consacré à l’art indien et asiatique et au cinéma international.

Neville Tulli, créateur et directeur d’Osian’s espère faire de ce festival et du musée à venir, des plate-formes incontourbles pour que les spectateurs de tous les horizons « ouvrent leur esprit et leur cœur aux arts visuels indiens, asiatiques, arabes et universels ».

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First_Men_In_Moon_(1964)

Pour voir le « casque Homar » qui fait super peur et une grande sélection de pieces de l’expo : clique ici