Ça ne t’aura pas échappé, même si tu vis seul sur Mars, le Brésil s’enfonce dans la crise politique (et économique par la même occasion).
Mini cours de rattrapage si tu étais vraiment seul sur Mars et en plus sans connexion:
Certains brésiliens ne sont pas contents de leur présidente Dilma Rousseff, et l’accusent de mauvaise gestion et d’entrave à la justice. Elle aurait maquillé les comptes de l’Etat et essayé de nommer son prédécesseur Lula Da Silva ministre pour le sauver de la prison où le juge Moro aimerait l’envoyer. Le processus d’impeachment, qui vise à virer la présidente a été déclenché et franchit les étapes doucement mais inexorablement.
Dimanche 17 avril, les 513 députés de l’assemblée votaient pour ou contre l’avancée du processus d’impeachment. Pour faire avancer le bidule, plus des deux tiers des députés (342) devaient être d’accord. Vote décisif s’il en est. Si tu imagines un vote discret et simultané de tous les députés et bien tu peux te coller le doigt dans l’œil. Ici on aime la fête et le spectacle. Chaque député s’est avancé à la tribune sous les hourras ou les sifflets et a profité de ses 5 minutes de célébrité pour exprimer avec plus ou moins de discrétion le fond de sa pensée. Certains ont traité le président de l’assemblée, Eduardo Cunha, de voleur (on lui a trouvé des comptes suspects en Suisse et son nom apparait en bonne place dans les Panama Papers) et de ‘golpista‘*, d’autres ont conspué la politique de Dilma et traités Lula et Dilma de voleurs et de traitres et de ‘golpistas‘*, d’autres encore ont prié, ou craché sur leur voisin. Enfin certains se sont contentés de faire coucou à leur femme, leur fille, leur mère, leur grand mère et leur assureur. La ‘votação’ a duré 6h.
ici quelques uns des meilleurs moments.
Les brésiliens ont suivi le vote comme on suit un match de foot: devant la télé chez eux ou dans les bars. Après 5 heures d’un suspense insoutenable, le 342ème député s’est avancé à la tribune sous un tonnerre d’applaudissements. Il en pouvait plus le mec, quel bol d’être le 342eme à s’exprimer quand même. Il a remercié Dieu de lui donner l’opportunité d’incarner ce moment historique du Brésil et s’est cassé la voix en hurlant Gooooooooooooooooooooollllllllllll. Non pardon il a dit SIIIIIIIIIIIIIIMMMMMMMMM. Personne ne sait si le 343eme a voté pour ou contre, tout le monde s’en foutait et d’ailleurs personne ne l’a entendu tellement c’était la liesse dans l’hémicycle.
Michel Temer, le vice président qui n’a jamais été aussi près du pouvoir n’a pas lancé de confettis mais n’a rien fait pour dissimuler sa satisfaction. Il a même souri.
Personne ne sait ce que faisait Dilma ce soir là.
Je sais que la presse étrangère et notamment française parle de coup d’état. Je n’ai pas d’avis à partager sur la question, je ne sais pas si ce qui se passe est bien ou pas. Tout ce que je vois, c’est que lorsque le 342ème a dit oui, des feux d’artifice ont explosés au dessus de la statue du Cristo Redemptor à Rio et dans plus d’une centaine de villes, et que plein de gens avaient l’air vachement contents.
Quoi qu’on en pense, le processus d’impeachement trace sa route jusqu’au Sénat. On sait déjà que les Sénateurs sont plutôt favorables à l’impeachement. Ils voteront en mai. Je te dirai.
Pendant ce temps là, Dilma ne renonce pas. Elle n’a pas l’intention de démissionner. Michel Temer va devoir attendre encore un peu.
Le Conseil d’éthique a reçu une pétition de 1,3 millions de signatures contre Eduardo Cunha, Président de l’assemblée, ennemi juré de Dilma et principal défenseur de l’impeachment.
Sergio Moro a intégré la liste des personnalités les plus influentes du monde du magazine TIME.
Alessandro Teixeira a été nommé ministre du Tourisme. Sa femme, Milena Santos, Miss Bumbum 2013, sait bien comment faire venir les touristes et elle a personnellement tenu à le montrer au monde en posant en tenue de first lady devant le bureau ovale de son époux.
*golpe : coup. par extension coup d’état. Golpista : faiseur de coup d’état.
ça rebondit sur les bumbums : apparemment le président de l’Assemblée annule le vote des députés ! j’aime bien cette novela ! raconte encore !
Très intéressant votre compte-rendu, j’aime vos traits d’humour !
Seulement, comment avez-vous pu ne pas mentionner l’apologie de la dictature et de la torture du député Jair Bolsonaro en hommage au bourreau de l’époque de la dictature brésilienne Carlos Alberto Brilhante Ustra ?
C’est certainement moins drôle mais cela a eu beaucoup de retentissement.
Au plaisir de vous lire !